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MANGER EN BONNE COMPAGNIE

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Par Emy Lafortune

Suivre le conseil de « manger en bonne compagnie » fait dans le nouveau Guide alimentaire canadien peut être difficile pour de nombreux Canadiens. Partout au Québec, des groupes de cuisine collective apportent certaines solutions à ce problème.

En janvier 2019, le nouveau Guide alimentaire canadien est révélé au public. Cette mouture est bien différente de la précédente, qui datait de 2007. Au grand bonheur de nombreux nutritionnistes, le guide laisse entre autres tomber le fameux concept de « portions » quotidiennes pour le remplacer par une division de l'assiette basée sur des proportions de types d’aliments.

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Le Guide de 2019 compte aussi une nouvelle section qui met en valeur les saines habitudes alimentaires. Alors que le Guide de 2007 en était à ses balbutiements sur ce sujet, en recommandant par exemple aux Canadiens de « bien manger et d’être actifs », le nouveau Guide comprend quatre recommandations partant du principe qu’« une alimentation saine, c’est bien plus que les aliments […] consommés ». Parmi ces recommandations, on retrouve de cuisiner plus souvent, de savourer ses aliments et de prendre ses repas en bonne compagnie.

En effet, selon les lignes directrices en matière d’alimentation de Santé Canada, le fait de manger en bonne compagnie « peut agrémenter la saine alimentation tout en favorisant les connexions entre les générations et les cultures ». Véronique Provencher, professeure à l’école de nutrition de l’Université Laval se spécialisant en comportements alimentaires, explique ainsi que les impacts sur la santé de cette recommandation seraient plutôt indirects :

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« C’est assez surprenant comme recommandation d’un point de vue nutritionnel parce que ce n’est pas parce que l’on mange en bonne compagnie que l’on va nécessairement manger plus de nutriments. Ça passe peut-être plus par le fait que quand on mange en bonne compagnie, on va souvent être portés à avoir de meilleures habitudes alimentaires. Certaines études montrent que quand l’on mange en famille, par exemple, on va prendre le temps de cuisiner. Par le fait d’être avec d’autres personnes, on a plus envie de se préparer des aliments qui sont sains. »

Capture d’écran, le 2019-04-22 à 20.46.1

Véronique Provencher est professeure et chercheuse en nutrition à l'Université Laval (crédit : courtoisie)

La professeure amène cependant un bémol à ce conseil du Guide :

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« La difficulté rencontrée avec cette recommandation, c’est que ce n’est pas si facile que ça de se faire des amis, et tout d’un coup de manger avec d’autres personnes. Ça peut donner l’impression à certaines personnes de ne pas bien manger parce qu’elles mangent seules. »

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Elle n’est pas la seule à noter ce problème. Lors d’une soirée de réflexions portant sur le nouveau Guide alimentaire organisée dans le cadre d’une série de conférences de vulgarisation à l’Université Laval, Caroline Durand, une historienne se spécialisant sur les discours entourant la nutrition au Canada et au Québec, expliquait que

 

« C’est possible de le faire [manger en bonne compagnie] pour plusieurs personnes, mais selon Statistique Canada, 28 % des ménages canadiens sont composés d’une personne seule. Peut-être qu’il y a certains repas que l’on peut prendre en bonne compagnie, mais la plupart du temps, les personnes seules cuisinent seulement pour elles-mêmes […] C’est une réalité très présente dans notre société, que le Guide élude complètement. »

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Selon Statistique Canada, 2016 marquait la première fois de l’histoire du pays que les ménages seuls surpassaient en nombre tous les autres types de ménages au Canada. Devant ce nouveau phénomène, manger en solo devient souvent la norme, malgré les recommandations de Santé Canada. Les cuisines collectives s'activent à pallier cette réalité.

Les cuisines collectives : pour lutter contre la solitude et l’insécurité alimentaire

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Au Québec, de nombreux organismes luttent contre la solitude alimentaire, dont les cuisines collectives, de « petits groupes de personnes qui mettent en commun leur temps, argent et compétences pour confectionner […] des plats économiques, sains et appétissants qu’elles rapportent chez elles » selon la définition du Regroupement des cuisines collectives du Québec. Ce mouvement a été lancé en 1982 à Montréal avec un premier groupe; aujourd’hui, la province compte plus de 1 300 groupes répartis aux quatre coins du Québec. 

Marianne Brisebois, du Regroupement des cuisines collectives du Québec (crédit : courtoisie)

Pour Marianne Brisebois, chargée de projet aux communications du Regroupement, briser la solitude est l’un des buts principaux des groupes de cuisine collective :

 

« Au-delà d’économiser en mettant ensemble temps et argent, c’est de briser la solitude pour plusieurs personnes. On sait que quand les gens se rassemblent pour cuisiner, c’est une occasion pour eux de tisser des liens, de sortir de la maison […] Selon les participants de chaque groupe, il y a des objectifs différents ».

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Le Centre le Bourg-Joie, situé dans le quartier Saint-Roch, à Québec, fait partie des membres du Regroupement des cuisines collectives du Québec. Il compte aujourd'hui 13 groupes de cuisine auxquels participent environ 75 personnes, dont la majorité a plus de 45 ans et est à faible revenu. Une fois placés dans leur groupe par Nathalie Lanctôt,  la directrice du centre, les participants ont accès à un espace de cuisine tout équipé et à des denrées fournies par Moisson Québec. Ils disposent aussi de l’aide d’une animatrice afin de leur donner un coup de main en cuisine.

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Chaque mois, les membres des groupes se rencontrent à deux reprises. La première fois, ils reçoivent une livraison de Moisson Québec et planifient leurs repas ainsi que les quelques achats à effectuer afin de compléter leurs recettes. La deuxième fois, ils se retrouvent dans la cuisine pendant plusieurs heures afin de préparer de nombreux plats, qu’ils pourront ensuite emporter à la maison. La plupart du temps, ces séances de cuisine se concluent par un repas collectif.

Les raisons pour joindre un groupe de cuisine collective sont nombreuses. Découvrez les histoires des membres des « Patateux », l’un des groupes du Centre Bourg-Joie, en faisant jouer cette vidéo, puis en cliquant sur les points orange.

À chaque séance de cuisine, les groupes notent le nombre de repas cuisinés et le montant d’argent dépensé pour les confectionner. Le groupe des Patateux est reconnu dans le Centre Bourg-Joie pour son inventivité dans l’utilisation des denrées de Moisson Québec : lors d’une séance particulièrement productive, ils ont déjà cuisiné plus de 200 portions de nourriture en ne dépensant que 7 $, ce qui équivalait à environ  3 sous par portion!

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Ces séances permettent ainsi à leurs participants d’apprendre de nouvelles techniques de leurs pairs et de devenir plus autonomes en cuisine en plus de ramener de la nourriture à la maison. Le Centre accueille également des étudiants des écoles du quartier afin de leur montrer comment cuisiner. Récemment, des groupes de jeunes ont ainsi pu profiter des locaux du Bourg-Joie pour apprendre à confectionner des rouleaux de fruits déshydratés et des biscuits de Noël.

De nombreux groupes visitent les cuisines du Centre Bourg-Joie chaque année. Joignez-vous à eux en explorant la cuisine via les vidéos en 360° ci-dessousPour cela, il vous suffit de vous déplacer dans la vidéo à l’aide de votre souris.

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Vers le garde-manger

Vers la table de travail

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La cuisine collective permet finalement aux participants de tisser des liens importants entre eux, selon Nathalie Lanctôt :

 

« Julie [l’une des membres du groupe des Patateux] est malade ce matin. Elle ne passe pas en dessous de la table, on cuisine pour elle et elle va venir chercher ses plats demain matin. »

 

En plus d’être solidaires les uns des autres, les groupes du Centre Bourg-Joie sont aussi très impliqués dans leur communauté. Chaque groupe doit, chaque mois, donner deux portions de nourriture qui seront placées dans le Frigo-partage du parvis de l'Église Saint-Roch. Le frigo-partage est une initiative qui permet aux restaurants et à la population du quartier de donner des repas à ceux qui en ont besoin. Les membres des groupes participent aussi souvent bénévolement à des événements communautaires :

 

« Durant presque tous les événements qui ont lieu dans le quartier, c’est nous qui préparons la nourriture ».

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De quoi aider la population du quartier Saint-Roch à « manger en bonne compagnie ».

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